Douala, l’autre face…
Chaque fois que je me suis arrêté pour réfléchir à ce qui se passe autour de moi, je suis toujours arrivé à la triste et pourtant vraie conclusion selon laquelle nous vivons une époque formidable. Je pense à ma vie, pleine de mésaventures, avec ses hauts et ses bas, mais je repense aussi à ma ville, avec le visage tout nouveau qu’elle prend.
Douala, ma chère ville, a aujourd’hui des allures de Golgotha. La peur est le quotidien des habitants, ce qui entraîne que notre bien aimée cité fasse partie des 10 villes les plus insécurisées du monde. Ville hantée? Ville tourmentée? Les citadins n’arrêtent pas de se demander ce qui se passe dans cette cité économique. Non que l’économie ne marche pas! Elle court même… Mais vivre à Douala est un vrai parcours du combattant. Pourquoi? Venez le découvrir ici :
Les embouteillages : un problème majeur qui paralyse la ville. Et çà ne date pas d’hier, ni d’aujourd’hui, ce qui ne nous laisse même pas présager que demain ce sera ok. Ndog Bong, Makepe, Bonamoussadi, PK8 Village, etc. Chaque matin et chaque soir, ils sont des milliers à être stressés, asphyxiés par les bouchons quotidiens. Non seulement il n’y a pas assez de routes, mais même le peu qu’il y a ne suffit pas à satisfaire tout le monde : chaussée réduite, mauvais état de la route, pas de trottoir. Et c’est ce qui va souvent pousser des conducteurs mercenaires à aller joncher ce qu’il y a comme espace piétons avec une 3ème file de voiture. Ah! J’oubliais, les fameux moustiques de la route que sont les benskineurs (oui je sais! Vous m’en auriez voulu si je ne parlais pas d’eux). Il s’avère qu’ils savent être la maladie et le remède, en fonction du contexte. Dans certains cas, ils sont la cause de ces interminables bouchons, et dans d’autres cas, puisqu’ils savent si bien faufiler entre 2 véhicules, ils sont la solution à la grosse difficulté de retard et au stress liés aux embouteillages quotidiens. Un responsable trouve un parking, y gare son véhicule, prend ses affaires, stoppe la prochaine moto et lui propose un prix faramineux pour arriver au boulot. Le véhicule, il reviendra le prendre plus tard. Peut-être même à son retour. Et ça ne gênera personne… Bien des fois, les deuils (oui les deuils) sont des grandes causes d’embouteillage. Quand une tribu que je ne citerai pas perd un membre, la levée de corps se fait en route. Rien que çà! Donc, une partie de la chaussée va être occupée par des chaises, et les véhicules – qu’ils montent ou qu’ils descendent – ne devront se contenter que d’une voie.
L’inondation : le drainage des eaux est un réel problème dans notre chère cité économique. Des fois en temps de pluie, une bonne partie du peu de routes qu’on a est impraticable. Il suffit d’une pluie un peu forte pour que les eaux sorties des drains et des rigoles inondent les maisons et les routes. Les caniveaux sont à la fois étroits et bouchés. La ville devient vraiment une rivière, mais pas de crevettes : une rivière jaunâtre de saletés et autres débris nocifs et autres ordures ménagères. Pour Jules Kemajou, expert en aménagement urbain et rural, le problème est encore plus complexe. Car, Douala est assise sur des terres basses et la nappe phréatique est proche du sol, ce qui facilite la remontée des eaux. La ville de Douala est l’une des zones les plus pluvieuses au monde à cause de sa proximité avec le Mont Cameroun, et c’est par évaporation que les eaux de Douala baissent. Vous vous imaginez donc tous les habitants d’un quartier qui sont bloqués chez eux si après une forte pluie il n’y a pas un soleil qui se pointe? Quelle tragédie!
Les insolites : Douala, la ville qui jonche la rivière des crevettes, est aussi le lieu où les histoires les plus folles et les plus raffinées se déroulent :
- Pélagie, accompagnée de sa camarade, parcourt le marché du soir de Ndokoti lorsque, attirées par les sous-vêtements, elles testent et jaugent ceux-ci. Soudain, Pélagie profite d’un moment d’inattention du vendeur et glisse dans la poche arrière de son pantalon un slip. Malheureusement pour elle, un autre vendeur observe le manège et prévient son voisin. Ceux-ci décident alors de la mettre en tenue d’Adam et lui faire porter l’objet du vol sur la tête.
- Un homme âgé d’environ 40 ans a été poignardé par un vendeur de fruits dans le fourre-tout au Rond-point Déido le 1er septembre dernier en début d’après-midi. Ce vendeur, parti servir un client à bord d’un véhicule garé non loin de là, a la surprise de constater qu’un homme à bicyclette s’est saisi du couteau du vendeur d’ananas pour couper une corde sale qui le gênait dans ses mouvements. Devant cette mauvaise utilisation de ce qui lui sert à éplucher ses fruits, le vendeur à la sauvette déclenche une bagarre avec cet homme. Malmené, le vendeur se saisit du même couteau et poignarde le cycliste dans le dos. Ce dernier n’a eu la vie sauve que grâce à la réaction rapide des passants.
- Shell Dakar : une femme, la vingtaine, se ballade bien vêtue dans la rue, avec à ses mains, un sceau d’eau, une serviette, un savon. Puis contre toute attente, au bord de la route, elle se déshabille, et commence à prendre un bain. Toute sereine, elle ne se sent ni gênée ni intriguée par ces innombrables badauds, essentiellement constitués de benskineurs, de taximen, et de toute sorte de vendeurs à la sauvette, qui face à cette scène se mettent à crier, brandissent leurs téléphones afin de garder des souvenirs de ce qu’ils voient.
- Et ce n’est pas encore fini…
Les accidents : Ici, j’ai repensé à l’incident le plus tragique qui s’est produit récemment : 30 septembre, la vie est brutalement arrachée à une dizaine de personnes parce qu’un camion a perdu ses freins. Il est 19 heures. Eunice y était, et nous a brutalement quittés ce soir. Les questions se multiplient. Le camion là roulait à 19h comment? Que fait un camion a une heure de pointe? C’était quel genre de camion comme çà? Qui avait même fait sa visite technique jusqu’à lui donner le ok? Mais ce n’est pas tout. Je repense aussi à Akwa-Nord, où une femme enceinte et son jeunot ont aussi perdu la vie, écrasés de la manière la plus tragique et catastrophique possible comme par hasard…par un camion. Ici, il est 19h45 environ. Je ne parle même pas des benskineurs, qui du fait de leurs multiples frasques, ont le privilège inestimable d’être le seul corps de métier à avoir un pavillon dédié à l’hôpital Laquintinie. Je repense à ces familles, tristes, meurtries, complètement abattues qui ne savaient pas que ce jour là, elles perdraient un être cher. Je repense à toutes ces personnes aux alentours, qui ont vécu ces images horribles, abominables je dirai. Elles ont échappé certes, çà aurait pu être elles, mais elles ont vu et compris que cette vie, ne se résume qu’à un petit souffle de vie qui peut disparaître si brutalement.
Je repense à ma ville, je repense à Douala…
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